Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Petit colibri
14 janvier 2008

Métabolisme industriel du jus d\'orange

Métabolisme industriel du jus d\'orange
   

Source: Suren Erkmaan: \"vers une écologie industrielle\"

URL: http://ecorev.free.fr/rev04/lectures-erkman.html

Responsable: Marc Vogt

Les chercheurs de l\'Institut Wuppertal ont effectués des études de métabolisme industriel sur plusieurs produits de consommation courants. Ils ont ainsi analysé le cas du jus d\'orange, dont l\'Allemagne est le plus gros consommateur mondial par habitant: 21 litres par personne et par an*.
Chaque année, on produit dans le monde 55 millions de tonnes de jus d\'orange, dont plus de 90% sont consommés en Europe, au Japon et aux Etats-Unis. Plus de 80% du jus d\'orange bu en Europe proviennent du Brésil, principal producteur mondial. Ce jus d\'orange effectue un voyage de 12000 km pour aller du Brésil (principalement de la région de São Paulo) en Allemagne. Pour le transport, le jus est concentré à 8% de sa masse originale, puis congelé à -18°.
La fabrication du jus d\'orange nécessite deux principaux inputs: l\'eau et le pétrole. Le pétrole sert principalement à produire de la vapeur pour le procédé de concentration du jus: dans le cas du Brésil, la moitié de l\'énergie provient de la bagasse (la bagasse est constituée des résidus de canne récupérés après le broyage, elle est réutilisée pour servir de combustible au générateur qui va servir à fournir la vapeur.1850 kcal PCI par kg), le reste est fourni par du combustible fossile, à raison de 8,1kg de pétrole par tonne de jus concentré. En tout, y compris le transport et la congélation, chaque tonne de jus d\'orange nécessite environ cent kilos de pétrole.

La consommation d\'eau n\'est pas négligeable: pour chaque verre de jus d\'orange consommé en Allemagne, il faut utiliser pas moins de 22 verres d\'eau, principalement pour la vapeur durant la concentration, puis pour la dilution après l\'arrivée en Allemagne.

La méthodologie de l\'Institut Wuppertal étant encore en voie de maturation, ces chiffres ne tiennent pas compte de ce que Friedrich Schmidt-Bleek appelle les “rucksacks“ (de l\'allemand Rucksack, sac à dos) c\'est-à-dire, en l\'occurrence, l\'énergie et les matières nécessaires à l\'obtention du pétrole et de l\'eau utilisée pour la fabrication du jus d\'orange.

Par exemple, le raffinage d\'un kilogramme de diesel nécessite entre 0,5 et 21l. d\'eau, qu\'il conviendrait d\'ajouter si l\'on voulait effectuer une évaluation complète. Il faudrait également prendre en compte les matériaux et l\'énergie utilisée pour la fabrication des pesticides, de même que pour les innombrables emballages, souvent de très faible capacité dans le cas du jus d\'orange (portions individuelles servies dans les avions, les trains, etc.), qui génèrent de grands volumes de déchets.

Les flux de matière associés à la production et à la distribution du jus d\'orange au Brésil sont donc loin d\'être négligeables. Mais ces flux sont encore bien supérieurs aux Etats-Unis: en moyenne, un litre de jus d\'orange américain nécessite 1000 l. d\'eau d\'irrigation et 2 l. de pétrole. Cette différence s\'explique en partie par le fait que les pompes pour l\'irrigation (pas nécessaire au Brésil) consomment du diesel, de même que les systèmes de chauffage pour protéger les orangeraies en Floride des gels printaniers.

En tout, pour l\'Allemagne, on aboutit à un chiffre de 25 kg de matière pour la fabrication d\'un seul litre de jus d\'orange (sans inclure les “rucksacks“). On peut envisager deux options pour rendre cette activité industrielle plus “écocompatible“: les producteurs peuvent tenter de diminuer les 25 kg de matière, notamment en modifiant leurs pratiques agricoles et en rendant le processus de concentration plus efficace. L\'autre option, peu vraisemblable, supposerait une baisse de la consommation de jus d\'orange…

Les flux de matière ne constituent pas le seul critère d\'efficacité écologique: les surfaces agricoles utilisées représentent également un facteur important, car elles sont à l\'évidence limitées. Aujourd\'hui, si le sol était réparti équitablement entre tous les habitants de la planète, chaque être humain aurait à sa disposition 0,28 hectare de terre arable. En réalité, les pays industrialisés en utilisent beaucoup plus: la Hollande, par exemple, mobilise sept à huit fois plus de terre agricole à l\'étranger que sur son propre territoire pour couvrir ses besoins alimentaires.

Dans le cas des Allemands, il faut environ 24m2 de terrain pour produire les 21 l. de jus d\'orange que chacun boit annuellement. Autrement dit, la consommation totale annuelle de jus d\'orange en Allemagne nécessite une surface de 150000 hectares au Brésil, soit trois fois plus que la surface consacrée aux cultures fruitières en Allemagne (48000 hectares). Si tous les habitants de la planète consommaient autant de jus d\'orange que les Allemands, il faudrait consacrer 130000 km2 aux orangeraies, soit plus de trois fois la superficie totale d\'un petit pays comme la Suisse.

*S. Kranendonk and S. Bringezu: Major marerial flows associated with orange juice consumption in Germany. Fresenius Environmental Bulletin, Vol.2, No. 8, August 1993, p. 455-460 (Wuppertal Institut, Döppersberg 19, D-5600 Wuppertal, Allemagne fédérale)

Publicité
Publicité
Commentaires
Petit colibri
Publicité
Publicité